Semaine d'essais en mer

  • 4 février 2022
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À l’acquisition de l’épave du Jag 530 en novembre 2020, nous rêvions de le remettre en état, et de commencer les essais en mer dès l’été 2021. C’est donc bien en retard mais ravis d’arriver enfin au moment de la mise à l’eau, que nous commençons cette semaine d’essais en mer, fin janvier 2022.

Lundi 31 janvier

À 7 heures, l’Escargot quitte son hangar et prend le chemin des grues de mise à l’eau, sous la supervision de Igor et Yuri du chantier 360a3.

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Ils passent ensuite la main au grutier de Varadero STA qui charge l’Escargot sur le Marine Travel Lift.

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Le Travel Lift est une machine hydraulique vraiment impressionnante capable de porter des bateaux comme des superyachts et autres larges navires jusqu’à 250 tonnes. Elle est commandée à distance par un seul grutier depuis sa télécommande.

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La première étape est de mettre l’escargot dans l’eau tout en le maintenant par la grue, puis on monte à bord pour vérifier que la coque n’a pas de fuite.

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La première trempette n’est pas longue, car il y a une fuite sur le bout de l’arbre d’hélice tribord. Ce n’est pas une grosse fuite, donc on termine le tour des deux coques, tout le reste semble bon, et on demande au grutier de ressortir l’Escargot pour comprendre d’où vient cette entrée d’eau.

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Le grutier amène notre catamaran dans un espace ou nous pouvons faire les observations nécessaires et décider si la fuite est réparable rapidement.

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L’équipe s’active pour démonter la fin de l’arbre d’hélice et Stuart, notre plus proche conseiller et superviseur des travaux de 360a3, nous explique que le problème est dû à l’utilisation d’une visse de mauvaise taille (trop petite et surtout beaucoup trop courte) sur la plaque de fermeture du bout du tube de l’arbre. Cette plaque n’étant pas assez serrée, l’eau s’infiltre. La décision est prise de réparer temporairement (en moins d’une heure), donc on reste sous la grue, et on procède à la réparation avec du Sika, une visse de meilleure taille et une nouvelle cheville métallique.

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On repart pour la mise à l’eau, et une re-vérification de toutes les zones sous la ligne de flottaison.

Le refroidissement liquide du moteur fonctionne avec : d’une part une pompe électrique qui fait circuler de l’eau de mer dans un échangeur, et d’autre part un second circuit avec du glycol 50% qui circule dans l’échangeur, dans le moteur et dans le contrôleur (avec une petite pompe électrique qui assure la circulation). La mise en route du système de refroidissement n’est pas simple car le filtre à eau de mer, placé avant la pompe, a été installé trop haut par rapport à la ligne de flottaison, et la pompe ne s’amorce pas. Avec quelques d’efforts, on amorce les circuits babord et tribord, mais je note les modifications qui seront nécessaires sur le placement des filtres et des pompes sur la liste des résultats de tests.

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L’équipage pour l’essai en mer monte alors à bord, nous sommes 8, Ludivine, Octave et moi, 4 techniciens de 360a3, et Agustin, notre pilote d’essai qui est capitaine d’un catamaran à voile de croisière.

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Le grand moment est enfin là. Nous sommes prêts pour larguer les amarres à 10h30, soit trois heures après notre premier splash.

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Après une vérification du fonctionnement des moteurs, du refroidissement liquide qui circule maintenant correctement, et du système hydraulique de contrôle des gouvernails, nous quittons le ponton en arrière toute.

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Le système de contrôle des moteurs est très doux et les moteurs silencieux. On effectue quelques rotations sur place dans le port pour prendre le système en main.

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Soudain, Agustin me dit qu’il n’a plus de moteur bâbord…!

En effet, il n’y a plus de remous et de poussée quand on actionne la manette bâbord en avant ou en arrière. La propulsion tribord fonctionne toutefois normalement. En descendant à la cale machine bâbord, il me semble entendre tourner le moteur. On se demande si on a perdu l’hélice ou s’il y a un problème électronique (rotation trop lente?). Il faut de toute façon retourner à quai. Heureusement que le vent est faible, et qu’Agustin a une très bonne maîtrise des catamarans. Il exécute les manœuvres d’une façon très méthodique en allant doucement avec un seul moteur et la barre pour la direction.

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Une fois l’Escargot amarré, et tous les systèmes arrêtés, nous ressentons quand même une assez grosse déception pour notre première matinée d’essais. Stuart me demande ce que je souhaite faire : est-ce qu’on sort l’Escargot de l’eau dès demain au lieu d’en fin de semaine? C’est trop tôt pour abandonner, et je compte bien trouver dans l’après-midi ce qui se passe sur le moteur bâbord, on donc repousse une décision au lendemain.

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Pour accéder au moteur bâbord, il faut ouvrir les trappes de cales dans la cuisine, et descendre sur les boîtes des batteries, puis ramper sur les batteries vers la poupe pour arriver au moteur. Je commence par couper les 2 sectionneurs 96 V avant de descendre, car le contrôleur est fixé au-dessus du moteur, et a les cosses 96V exposées.

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Une fois installé au-dessus du moteur, je me rends compte du problème : le coupleur entre l’arbre du moteur et l’arbre de transmission s’est détaché du moteur. Le moteur tourne donc dans le vide, et ne fournit plus de force de rotation à l’arbre de transmission.

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En allant dans la cale de poupe, on voit sur l’arbre de transmission des marques de rouilles qui montrent que l’arbre a en effet glissé vers la poupe. Le palier de butée n’a pas fait son boulot car il sert justement à tenir l’arbre pour que la poussée en avant ou en arrière passe à la coque. On voit ici que la traction générée par l’hélice en rotation a réussi à tirer l’arbre vers arrière !

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Notre journée se termine avec des sentiments mitigés mais un bilan riche en événements, bien que nous n’ayons pas eu le succès espéré.

Mardi 1er février

Mardi matin, nous arrivons à 7h30 sur l’Escargot. Au programme : décision avec le chantier de l’étape suivante, puis passage des câbles électriques avec Octave et Ludivine pour connecter les panneaux solaires, l’armoire électrique (pour combiner les 8 chaînes de panneaux solaires en 4 circuits), et enfin les 4 chargeurs MPPTs.

Pour valider mon intuition que le problème d’hier a été causé par un Python Drive soit défectueux, soit mal monté, j’envoie un email avec photos à RiPower pour avoir son avis.

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Lors de la réunion à bord de l’Escargot avec Stuart et Vicente (le technicien coordinateur), je re-explique le problème sur le Python Drive, et on se met d’accord que le mécanicien du chantier va venir desserrer et resserrer le palier de butée.

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Plus tard dans la journée, nous recevons un email de RiPower qui valide que le problème est probablement un serrage insuffisant du Python Drive sur l’arbre de transmission. Il a vérifié avec le fabricant, qui lui a confirmé, que chaque visse doit être serrée à 17 Nm.

La correction est effectuée en fin de journée par le mécanicien.

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Demain, nous amarrerons l’Escargot au quai avec les pendilles et en doublant nos amarres. Nous allons vérifier que l’arbre reste en place avec le maximum de poussée.

Mercredi 2 février

En fin de matinée, le plan de test de la propulsion en restant amarrés au quai se met en place. Les pendilles sont sorties de l’eau et attachées aux taquets, la coque tribord (qui est contre le quai) est redoublée de pare-battages et de bouts.

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On fait un petit test en marche avant pour vérifier que les systèmes fonctionnent et qu’on ne bouge pas. Ensuite, on met les gaz au maximum en arrière, et on reste comme ça pour une dizaine de minutes. Pas de soucis, l’arbre reste en place. Avec la GoPro, on fait quelques vues sous-marines des hélices en rotation.

Une mesure nous trouble néanmoins : avec les commandes de moteurs demandant pleine puissance en arrière, nous consommons d’après le BMS seulement 10 kW par moteur. On est loin des 50 kW attendus.

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Les tests sont concluants, nous n’avons pas perdu la propulsion. Nous nous donnons rendez-vous le lendemain matin pour une sortie en mer à 7h30. La météo nous promet une mer calme et très peu de vent, ce qui sera parfait pour nos tests.

Jeudi 3 février

Après une mise en route de tous les systèmes vers 7h45, on largue les amarres et Agustin fait une arrière toute à 8h exactement. Tout le monde à bord se rappelle la perte de propulsion à bâbord 3 jours plus tôt, et surveille avec anxiété les mêmes manœuvres de tests que celles de lundi. Heureusement, elles se passent sans difficulté. On décide de sortir du port et de faire un tour dans la baie d’Alicante.

On passe les phares rouge et vert, et nous voilà en mer! Quel plaisir de ressentir nos premiers moments à bord, naviguant sans souci et n’entendant aucun bruit de moteur, comme sur un voilier.

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Il y a quand même un tout petit clapot, et on se rend soudain compte que dans la cabine de proue tribord, il y a de l’eau sur le sol et sur l’emplacement de la couchette! On cherche d’où vient le problème, mais les cales sont sèches, ce qui est déjà rassurant. Tous les hublots et trappes de pont sont bien fermés, et il n’y a de toute façon pas d’eau sur le pont et pas d’éclaboussure sur les coques à la hauteur des hublots. C’est vraiment troublant, mais voyant qu’il y a peu d’eau, ce problème est remis à plus tard.

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Avec les commandes moteur en avant toute, nous n’atteignons que 5 nœuds. Cela ne correspond pas aux estimations faites lors des calculs de puissance de propulsion comme expliqué dans l’article sur La recherche de la motorisation électrique. Si nous avions un fort vent, du courant, ou des vagues en face de nous, il serait difficile d’avancer à plus de 2 ou 3 nœuds. Il y a quelque chose qui ne fonctionne pas correctement.

La batterie 12V qui alimente le BMS est déchargée, et nous n’avons rapidement plus d’information de consommation électrique. Les données vues lors de la sortie du port donnaient seulement 20 kW de consommation.

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Nous décidons de virer de bord plusieurs fois pour sentir le comportement du catamaran. Tout est satisfaisant mais il semble que nous soyons un peu trop légers pour les coques. Nous avons bien sûr beaucoup d’équipement manquant à bord (pas de lits, pas d’électroménager, etc.) donc l’Escargot va s’alourdir sensiblement avec l’aménagement intérieur dans les mois à venir. Le poids des anciens moteurs diesel était plus au moins équivalent au poids combiné de nos deux moteurs électriques et des 4 batteries. Toutefois, la grosse différence est que nous naviguons avec 2 réservoirs à diesel de 1500 litres chacun totalement vides. Il faudra étudier si nous devons mettre un peu de lest dans ces anciens réservoirs. Stuart et Eric de 360a3 nous conseillent de ne pas prendre de décision hâtive, mais d’attendre d’avoir aménagé l’Escargot, d’avoir les 2 réservoirs d’eau douce pleins, et les 4 réservoirs d’eaux grises et noires pas totalement vides non plus, pour comprendre l’éventuelle nécessité de lester.

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Après 50 minutes de navigation, nous repassons les phares du port d’Alicante, et nous nous dirigeons vers notre emplacement au quai. La manœuvre d’accostage et d’amarrage se déroule parfaitement, tout en douceur. Le capitaine, Agustin, nous fait part de son agréable étonnement de manœuvrer beaucoup plus facilement qu’avec des moteurs diesel dû à la réponse immédiate de l’électrique aux commandes. Il est cependant inquiet quant à la puissance trop faible par rapport au poids de l’Escargot, pour sentir de la marge de manœuvre en cas de mauvais temps, et pouvoir pousser jusqu’à 7 nœuds.

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Une fois tous les systèmes arrêtés, on s’attaque au problème d’eau dans la cabine de proue tribord. La couchette est partiellement au-dessus de la fin de la cale à chaîne de l’ancre, donc on commence par chercher si il y aurait une ouverture, mais la cale à chaîne est totalement sèche, et il n’y a pas d’ouverture. Ensuite, on regarde du côté des passe-coques, pour les vidanges d’eaux noires et grises, mais ce n’est pas ça non plus, les passe-coques étaient bien fermés, et de toute façon bien connectés aux pompes des cuves.

Vicente suggère alors de regarder sous la planche de la couchette. Et là, surprise, il y a un petit compartiment normalement inaccessible, mais qui contient de l’eau croupie. C’est un reste d’eau de mer du naufrage de mars 2017 qui ne s’est pas encore évaporé, et qui est ressorti dans les mouvements de changements de cap de ce matin. Il y a deux petits compartiments difficiles d’accès qui contiennent de l’eau qu’il faut donc vider et assécher.

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On termine notre journée de jeudi à travailler sur les connexions électriques des panneaux solaires. Le projet avance bien…

Vendredi 4 février

Aujourd’hui, c’est la fin de notre semaine de tests en mer, et la sortie de l’eau pour l’Escargot. Nous sommes à bord avant le lever du soleil pour profiter de ce dernier jour de notre catamaran en extérieur, avant sa rentrée au hangar pour la suite des rénovations. Les moteurs n’ont pas pu faire avancer l’Escargot à plus de 5 nœuds, même à pleine puissance, ça me trotte sérieusement dans la tête.

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Nous avons rendez-vous à 8h pour la sortie de l’eau par le grutier de Varadero STA, alors au lever du jour, capitaine Agustin fait sa manœuvre du quai jusqu’à l’emplacement de levage.

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À 8h30, le Marine Travel Lift se met en place.

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L’Escargot est de retour dans son hangar au chantier 360a3.

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